Enquête photographique genevoise

Les pratiques sportives à Genève explorées sous l’angle territorial.( thème imposé )

Comment une pratique sportive utilise l’espace qu’il lui soit dédié (ou pas) ?
De quelle manière se protège t’elle de son environnement, ou au contraire protège t’elle le voisinage ?
Lesquelles nécessitent une lourde infrastructure, l’intervention des autorités ou de privés afin de permettre leurs réalisations ?
Lesquelles sont spontanées ?  Quelle est la part de liberté ou de contraintes ?
Le sport est-il une oportunité de se mesurer à des règles ou au contraire une occasion de s’en affranchir ?

 

Utopique. 

Chaque mercredi durant la belle saison, une tribu de « paddlers » se donne rendez-vous à 18h à Peney. Le bouche-à-oreille fonctionne, vient qui veut. En équilibre sur les paddles, la tribu remonte le Rhône, contourne les colonies de roseaux, regarde défiler les rives sauvages du Rhône dans la lumière de fin d’après-midi.
Enfin, comme pour faire un pied-de-nez à ceux qui ne s’arrêtent jamais, le groupe fait halte sous le pont de l’autoroute avant de s’en retourner dans le courant du fleuve, face aux éblouissants derniers rayons du soleil.

Hors-sol.

L’association Geneva Total Wrestling profite de la Vogue de Carouge pour faire connaître le catch et surtout faire savoir qu’on peut pratiquer ce sport en toute sécurité dans le canton. Un ring est monté au milieu de la rue Jacques-Dalphin et de brefs combats amateurs sont proposés devant un public écrasé par le soleil, clairsemé et parfois incrédule. Le catch n’est pas un sport d’après-midi de kermesse.

Périphérique. 

A Onex, parmi les barres HLM, le mobilier sportif jouerait-il du mimétisme avec l’idée que l’on se fait de la population d’un quartier suburbain ? Les hautes grilles bordant le terrain de jeux, semblent protéger l’utilisateur de l’espace environnant.
Tel un gabarit, seul un espace étroit entre deux barrières permet d’y pénétrer, comme pour en exclure tout utilisateur n’ayant pas le profil de ceux que le nom du fabricant « Color’ado » désigne implicitement comme usagers.

Sensoriel.

A chaque pas, le craquement des hautes herbes, la douce tiédeur des rayons du soleil, les voix qui se perdent dans l’immensité, une voiture qui passe, un territoire imaginé prend forme. Ressemble-t-il à ceux qu’il a vus de ses yeux ? Les couleurs du ciel, de la neige et des herbes sèches ont-elles changé avec le temps ? Appuyées contre ses épaules de sportif, les mains de Valeria, sa coach, lui signifient de prendre le chemin le plus sûr. Mais qui guide qui finalement ?
 Les paysages se confrontent, un nuage passe devant le soleil et l’air devient soudainement plus frais.
Thibault Trancart est un skieur non-voyant et titré. Son territoire sportif est aussi celui qu’il a su s’approprier à force de volonté.

Social. 

Le boulodrome de la Queue-d’Arve est particulièrement apprécié des retraités. Cet espace renforce l’amitié, le lien social et le sentiment d’exister. Il permet surtout de jouer aux boules, de parler italien et de boire des verres en jouant aux cartes. Sa grande verrière orientée sud-ouest laisse entrer la lumière et fait monter la température jusqu’à ce que le soleil passe derrière le bâtiment d’en face. La dizaine de membres du Club de Boccia finit la dernière partie avant de ranger leurs grosses boules en bois pour toujours.
Ce soir-là, résignés, ils solderont les comptes du club et feront un dernier repas. La Boccia a trop peu d’adeptes et le long terrain lisse et plat sera remplacé par un mur de grimpe.

Autonome. 

Dans une petite forêt sur la commune de Veyrier, un champ de bosses a été réalisé de manière autonome avec des matériaux naturels trouvés sur place.
Entretenu régulièrement et respecté par chaque utilisateur, ce modèle d’infrastructure sportive est la quintessence de la liberté et de la créativité.
Les deux adolescents photographiés ne pratiquent pas (encore) ce type de parcours difficile.

Genève

Héroïque. 

« Les Givrés » ne manqueraient sous aucun prétexte un jour de bise noir, quand le lac perd ses derniers degrés au-deçà du supportable. Le lac et les plages de galets sont à eux seuls. Ils pratiquent la natation toute l’année, souvent sous le regard impressionné des promeneurs emmitouflés dans leurs habits de saison.
Puis ils mangent le plat du jour à la buvette des Bains, le sang bouillant comme le thé d’un samovar.

Intime. 

Entraînement de boxe informel : les deux boxeurs virevoltent, se heurtent et s’évitent. Leurs expirations rythment la danse. Bien à l’écart, ils restent imperméables tant aux bruits des matchs de football venant de la grande tribune qu’à la torpeur de la rue.

Hors du temps

Certes, il y a le Pont Butin tout proche et les immeubles d’Aïre au loin, mais assis paresseusement sous le généreux porche du vieux « club-house » en bois du Ball-Trap Club de Genève, on s’abandonnerait volontiers à la contemplation en se croyant ailleurs. A l’intérieur de la grande pièce s’affiche l’histoire du club : des images d’anciens tournois, de sportifs éparpillés comme des soldats de 14 revenus à l’arrière.
Cela témoigne qu’alors le canton était un vaste territoire abandonné aux maraîchers et aux chars à bancs, qu’il y faisait beau, que les hommes portaient des chapeaux et qu’ils savaient tenir un fusil.
 Par souci d’adaptation à la densification urbaine, aujourd’hui, les fusils sont pourvus d’un modérateur de son et les munitions sont volontairement à faible portée.

Dynamique. 

Centre sportif du Tournoi de football corporatif au coeur du futur « éco-quartier Les Vergers » à Meyrin. Cette photographie donne l’impression que le dynamisme et l’appétit des chantiers alentour finiront par avaler le terrain de football.
Cependant celui-ci, tout comme le Centre sportif, fera partie intégrante du futur quartier. Il en sera peut-être même le coeur et le poumon.

Western. 

Le club de moto-cross « Les Meyrinos » propose un immense circuit dans la campagne genevoise. Ce territoire est précarisé par le fait que ce sport est peu défendu, voir mal aimé. Par les autorités déjà, qui peuvent le considérer comme polluant, peu conforme à une pratique sportive souhaitée. Par les habitants des zones villas voisines également, qui ne sont pas venus à la campagne pour subir ce genre de nuisances.
Paradoxalement, les entraves, comme l’interdiction d’importer de la terre, de construire « en dur », modèlent le terrain et lui donnent une identité très particulière. Un peu western. Un charme attendrissant et unique qu’il n’aurait pas sans ces contraintes.

Magique. 

Depuis 1963 à Loëx, Les Compagnons de l’Arc ont investi une parcelle de forêt. Dans ce lieu, la passion de l’arc et l’imaginaire se mêlent, tels des lianes et des lierres, aux troncs et aux bosquets. Un petit sentier s’y tortille et dirige les archers d’un poste de tir à un autre. Les cibles sont généralement des représentations d’animaux en deux ou en trois dimensions, parfois curieusement exotiques voir très improbables sous nos latitudes cartésiennes.
L’endroit n’est pas privé, des promeneurs y passent mais ne touchent à rien. A l’entrée : Une porte en bois majestueuse. Accrochés à cette dernière, d’éventuels petits drapeaux rouges indiquent la présence d’un archer. Avant la porte : Le chalet de la communauté et toute une vie de Compagnons à l’orée du bois.

Rêvé. 

Un soir, devant moi, sur un chemin de terre parallèle au champ de bosses pour BMX, à la sortie du parc des Evaux, j’ai aperçu une chaise motorisée qui zigzaguait, accélérait, dérapait en soulevant même de la poussière. Le véhicule était ostensiblement conduit de manière sportive, et son propriétaire cherchait sérieusement ses limites.
Les siennes.
Il ferait donc partie de l’enquête photographique. C’était Alexander. L’accès au champ de bosses ne lui est pas possible. Mais il en rêverait. Et il y ferait des merveilles. Même les meilleures des installations, ont leurs défauts.

Exclusif. 

A quelques minutes du centre ville, le Golf Club de Genève et ses 45 hectares, club privé, est un havre de paix et de verdure constamment entretenu par une armée de jardiniers en voiturettes électriques. L’endroit a largement de quoi faire oublier la marche du monde ses conflits et ses drames. Parmi les multiples paradis espérés par les hommes, certains doivent certainement lui ressembler.
Ce jardin merveilleux n’est pas accessible à tous. Il faut en être membre et le devenir est hors de portée de l’immense majorité des Genevois.
Peut-être dans une autre vie… ?

Ephémère.

Au coeur de la manifestation « Plan-les Bouge » visant à promouvoir la pratique du sport, la municipalité de Plan-les-Ouates a organisé un parcours constitué d’une succession d’obstacles à franchir le plus rapidement possible.
Le poste « la montagne foin » est gravi au pas de course par un concurrent en lice pour une autre compétition, celle du meilleur déguisement.
Les installations sont ici éphémères et le sport se veut aussi festif et ludique.

Unifiant. 

La patinoire des Vernets où joue le Genève-Servette Hockey Club est en constante adaptation en raison des succès sportifs du club et de la difficulté

de construire une autre enceinte. Des tribunes surplombantes, installées il y a quelques années, semblent écraser par leur envergure les gradins historiques adoptés par les plus fervents et les plus anciens fans de l’équipe genevoise. Paradoxalement, alors que, pour certains, ce confi nement pourrait être gênant, voire angoissant, il semble au contraire renforcer le sentiment d’unité du groupe. Car les vrais supporters (les « ultras ») aiment être debout, se savoir nombreux, et entendre l’écho de leurs chants.

Exotique. 

Entre les immeubles cubiques de Châtelaine et la ligne de chemin de fer, on voit la plage. On voit aussi une buvette, des parasols, des infrastructures bricolées en bois, des containers et des fauteuils récupérés, très fatigués. Même si on ne voit juste pas la mer, on y joue merveilleusement bien au beach-volley. L’urbanisme dense et sans charme jouxtant les terrains de sable, agit par contraste comme un exhausteur de saveurs exotiques, puisque c’est plutôt dans les grands parcs ou au bord des piscines, que l’on installe ce genre d’infrastructure. C’est en 2011, grâce au « contrat de quartier » de la ville de Vernier que des passionnés ont inventé cette oasis à l’envers.

Fragile. 

Depuis 1948, le Canoë club Genève organise sa traditionnelle course : « Le Derby de la Versoix ». Le départ est donné au niveau du pont de Sauverny et l’arrivée se trouve en amont de la route de l’Etraz. Après 60 éditions sans annulation, les contraintes climatiques rendent cette course hasardeuse. Un automne pas assez pluvieux après un été sec, et le débit de la Versoix devient trop faible pour faire la descente : le canoë racle le fond et s’abîme, ou vous laisse bêtement en équilibre sur un gros caillou la pagaie dans le vide. Cette édition 2017 a, du reste, été annulée. Comme celles de 2009, 2010, 2011 et 2016.

La nature est tellement fragile.

Transfrontalier.

Si le club de Rugby de Hermance participe au championnat suisse, son terrain officiel est situé sur commune de Chens-sur-Léman en France et mis à disposition par un agriculteur genevois qui possède le terrain.
La buvette est donc en France mais les prix affichés sont en francs suisses. Les joueurs et les supporters proviennent bien évidement des deux pays.
Le jour du derby contre Plan-Les-Ouates – en jaune et bleu –, la brume qui annonçait la pause hivernale flottait aussi de çà et là de la frontière.

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